Un entretien avec Jan von Holleben autour de la collection Kids Love Photography (éd. Les Grandes Personnes)

 

Pour le numéro 90 (décembre 2024) de Citrouille, l'épatante revue des librairies Sorcières, nous avons eu le bonheur de réaliser un entretien avec Jan von Holleben, photographe et directeur de collection aux Grandes personnes
 

Kids Love Photography, c'est le nom d'un projet qui a vu le jour il y a quelques années à l'initiative de Jan, qui rassemble des photographes à travers le monde, et cherche à faire de l'art photographique un grand terrain de jeux pour et avec les enfants.

C'est désormais une collection de livres au sein d'une maison d'édition qui s'affranchit des frontières de la littérature pour la jeunesse, parce qu'elle sait pouvoir faire confiance à ce public de jeunes lecteurs et lectrices, ouvert et curieux.

En octobre 2024 est sorti le premier ouvrage de cette collection, Mes jouets préférés, du photographe italien Gabriele Galimberti. Une sélection de photos d'enfants du monde entier, entourés de leurs jouets préférés, ordonnés et classés. Un tour du monde qui se passe de mots tant la narration par l'image et par l'objet est riche de sens !




 
Kids Love Photography est un projet de grande envergure qui vise à sensibiliser les lecteurs et lectrices du monde au livre photographique.
Comment ce projet est-il devenu aussi une collection au sein des éditions Les Grandes Personnes ?

J'ai discuté pendant longtemps avec Brigitte Morel, directrice de la maison, à propos de mon premier livre Dans les airs.
Nous avons parlé de la rareté de la photographie dans la littérature pour enfants, pourtant si populaire jusque dans les années 80. Les temps ont changé si rapidement dans la culture visuelle, aujourd'hui nos enfants sont confrontés à la photographie à longueur de journée.
 
Plus nous échangions, plus me revenaient en mémoire des personnalités importantes du monde de la photographie artistique : des personnes ayant contribué à la compréhension visuelle de notre époque. Nombre d'entre elles ont photographié des éléments pas exclusivement destinés aux êtres humains, enfants compris.
 
Pourtant, à cause des standards imposés par le marketing et l'édition au monde de la photographie, ces livres étaient toujours destinés à des adultes.
Alors j'ai commencé à imaginer des concepts pour créer des livres pour enfants avec des contenus très similaires.

La collection s'ouvre avec un premier album, tout carton et sans texte, de Gabriele Galimberti, photographe italien, qui s'appelle Mes jouets préférés.
Pouvez-vous nous parler de cet ouvrage ?

C'est un excellent exemple de ce que nous faisons : le travail de Gabriele sur les jouets préférés des enfants à travers le monde a commencé il y a maintenant 10 ans.
 
Un livre a déjà été publié, un beau livre classique pour les adultes. Pourtant, ce livre parle des enfants, et devinez quoi, les enfants adorent le feuilleter et observer ses images. Ils plongent véritablement dedans, commencent à comparer les enfants, trouvent des indices sur la culture dans laquelle ils vivent, découvrent des éléments universels de l'enfance et commencent à s'imaginer avec leurs jouets favoris en s'inspirant du livre. Et tout cela se déroule sans textes ou indications. C'est tout simplement lié à la compréhension visuelle.
 
Alors pourquoi donc ce livre n'a-t-il jamais été repensé pour s'adapter aux mains des enfants, à leurs yeux, à leur façon de penser ?
 
C'est le défi qui s'est présenté à moi, et finalement, c'était assez simple : il suffisait d'adopter une approche différente de celle d'un éditeur classique.

On le voit dès ce premier album, le livre photographique comporte un potentiel réflexif, créatif, imaginatif et d'ouverture au monde très fort !
Sauriez-vous dire en quelques mots ce qui différencie sa lecture d'un album illustré ?

Les photographies sont beaucoup plus riches et contiennent davantage de détails et de symboles qu'une illustration. Nombre de ces éléments sont subtils et invisibles, mais obligent à se confronter à une multitude d'informations. Cela permet aux enfants de se familiariser avec la littératie visuelle, quelque chose qu'ils se doivent de développer aujourd'hui.
Mais cela permet aussi d'enrichir les livres. Le lecteur peut ainsi analyser les images encore et encore, avec l'objectif de déchiffrer ce qu'elles ont à offrir.
 
L'aspect le plus important de la photographie est son niveau de réel, une caractéristique dominante de ce médium. Les enfants considèrent ce qu'ils voient comme réel et non comme un élément de fiction (dans une certaine mesure). Évidemment, il est également nécessaire de remettre ce point en question, mais cela offre un terrain de jeu incroyable pour l'épanouissement visuel des enfants.


Vous êtes vous-même photographe et auteur d'un projet publié aux Grandes Personnes Dans les airs.
On sent dans votre pratique artistique que la photo est une grande aire de jeu...

J'ai fait de la photographie pendant 20 ans avec plus de 20 livres pour enfants traduits dans 17 langues. Tout a commencé avec Dans les airs et a continué avec le succès de la série, qui a ensuite conduit à des expositions, des commandes de photos et des articles de magazine à travers le monde.
 
Je suis donc devenu photographe en seulement quelques mois et j'ai dû trouver mon secret très rapidement pour réussir : jouer ! Et puisque les enfants jouent vraiment bien, ils sont devenus mes compagnons dans cette quête. Alors depuis, je prends chaque idée, commande ou défi et je joue avec visuellement.
 
Il existe une philosophie dans l'Homo ludens : l'apprentissage par le jeu. C'est ce que je fais.



Pensez-vous aux lecteurs et lectrices de l'autre côté du livre ? Comment les percevez-vous ?
Quel message aimeriez-vous leur transmettre au travers de ces publications ?

Chacun de mes projets est destiné à une certaine catégorie de lecteurs d'images.
Et même si je le réalise pour moi-même, alors je me considère comme le public cible. Mais je travaille surtout pour d'autres catégories de personnes (dont je fais généralement partie) et je crée des images sur mesure pour elles. J'ai besoin de savoir si mon travail sera lu par quelqu'un de 4 ans, de 8 ans ou de 26 ans, ou s'il s'agit d'un groupe de personnes plus âgées dans une culture étrangère avec un intérêt particulier pour le sujet.
 
Je prends en compte tout cela au préalable et je l'inscris dans mon processus de création.
 
Et à propos du message que j'essaie de transmettre : je considère toujours mes images comme des portes d'entrée vers un sujet complexe. Le sujet change, mais la façon dont les personnes sont amenées à s'y confronter est toujours la même : avec amusement, positivité, passion et avec un clin d'œil bien pensé !
 
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Entretien mené par Aurélie, libraire,
et traduit de l'anglais par Corentin Fournier, que nous remercions chaleureusement



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